Le Code Noir : une honteuse continuité juridique et politique inavouée
Depuis des siècles, la relation entre certains membres de l’élite occidentale, française en particulier, et les Africains subsahariens est marquée par une condescendance flagrante, une forme de mépris qui ne cesse de se révéler au grand jour, parfois de manière brutale et décomplexée. Ce sentiment d’arrogance, même à l’égard de dirigeants africains souverains, trouve aujourd’hui une explication juridique et historique qui éclaire d’un jour nouveau cette posture : le Code noir, ce texte fondateur de la législation esclavagiste française, n’a jamais été formellement aboli.
Promulgué en 1685 sous Louis XIV, le Code noir établissait l’homme noir non pas comme un être humain doté de droits, mais comme un bien meuble, un objet au même titre qu’un vulgaire objet en bois ou une marchandise. Ce texte légiférait la mise en esclavage d’êtres humains, réduits à un statut juridique déshumanisant, et encadrait un système où la violence et la dépossession étaient institutionnalisées. Or, malgré l’abolition effective de l’esclavage en France en 1848, aucune loi n’a jamais formellement abrogé ce Code noir. Il est ainsi resté tacitement en vigueur, intégré dans le corpus législatif français, sans jamais être officiellement retiré.
Cette lacune juridique n’est pas anodine : elle révèle une volonté implicite de l’élite française de garder ouverte une porte, une fenêtre de possibilité quant à la réactivation ou la reconnaissance formelle de ce cadre déshumanisant. En mai 2025, ce n’est qu’à la suite d’une interpellation du député Laurent Panifous que le Premier ministre François Bayrou a pris l’engagement de présenter un texte au Parlement pour abolir officiellement ce Code noir, engagement qui reste à concrétiser et dont la portée réelle demeure incertaine.
Cette réalité juridique éclaire d’un jour cru la condescendance assumée de certains dirigeants français envers leurs homologues africains. En janvier 2025, lors de la 30e Conférence des ambassadeurs français, Emmanuel Macron déclarait que « l’ingratitude est une maladie non transmissible à l’homme » en critiquant vertement certains chefs d’État africains, notamment dans le contexte du retrait progressif des forces militaires françaises du Sahel. Il affirmait que ces dirigeants n’auraient jamais accédé à la souveraineté sans l’intervention militaire française, une assertion qui a provoqué une onde de choc et des réactions indignées, notamment au Burkina Faso.
Ce propos, loin d’être une maladresse, révèle une perception profondément enracinée : dans l’esprit de Macron, homme politique intelligent et parfaitement conscient de ses mots, l’homme noir, et même les présidents africains, restent des objets, des biens meubles sans pleine valeur humaine. Cette déshumanisation explique la condescendance et le mépris avec lesquels ces dirigeants français traitent leurs pairs africains, perpétuant ainsi un rapport colonialiste et raciste à peine voilé.
Le fait que le Code noir n’ait jamais été formellement abrogé signifie juridiquement que toute reconnaissance des droits de l’homme noir en France depuis 177 ans s’est faite en violation d’un texte toujours en vigueur, un paradoxe qui confine à la négation institutionnelle de l’humanité des Noirs. Ce silence législatif est une marque indélébile du racisme structurel au plus haut sommet de l’État français, une tache que le gouvernement actuel tente à peine d’effacer, sans garantie que l’engagement pris soit suivi d’effet.
Au regard de cette négation historique et juridique de l’humanité de l’homme noir, pleinement assumée par la France jusque dans ses institutions, chaque personne noire, chaque mélanoderme sur la planète, doit en tirer les conséquences. Il ne s’agit pas seulement d’un héritage du passé, mais d’une réalité présente, d’un racisme d’État qui continue de structurer les rapports de pouvoir et d’influence. Ce constat impose une vigilance accrue, une exigence de reconnaissance pleine et entière de la dignité humaine, et une remise en cause radicale des rapports inégaux hérités de l’esclavage et du colonialisme.
L’heure est à la lucidité : tant que le Code noir, ce vestige juridique honteux de la négation de l’homme noir, ne sera pas formellement aboli, la France continuera d’entretenir, consciemment ou non, un rapport de domination et de mépris qui ne peut être ignoré ni excusé.
Légende photo : Emmanuel Macron ridiculisant publiquement Roch Marc Christian Kabore (ancien président Burkinabè) au sujet d’une panne de climatisation.







